Animation – Princesse Mononoké (de Hayao Miyazaki)
Voici une bien belle critique proposée par Kelem sur ChaOdisiaque, celle de Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki.
Kelem a dit :
Deuxième détour par le Japon et par Hayao Miyazaki avec cette fois un petit aperçu du film qui est peut-être son plus célèbre, Princesse Mononoké, film de 1997 sorti en France au début de l’an 2000. Bien que grande réussite au niveau mondial, c’est une œuvre qui reste pourtant à part dans la filmographie de Miyazaki car on se trouve ici d’une véritable fresque épique, bien éloignée de l’ambiance aérienne et de la suspension de ses autres productions. Alors ? Alors une fois encore, pari réussi.
Dans le Japon médiéval, la paix du village du jeune prince Ashitaka est troublée lorsqu’un gigantesque sanglier, furieux et rendu fou par un démon qui le gangrène de l’intérieur, sort du bois pour tout détruire sur son passage. Juché sur Yakulu, son espèce d’élan rouge, Ashitaka parvient à tuer le démon avec ses flèches, mais est blessé au bras au cours de la bataille. La chamane du village examine sa plaie et constate avec tristesse qu’Ashitaka est condamné à mourir, à se transformer lui aussi en démon lorsque la plaie de son bras aura pris possession de son corps. Il ne lui reste qu’une solution : quitter son village pour parcourir le monde et le contempler « d’un regard sans haine », jusqu’à trouver l’ancestral Esprit de la forêt, qui seul pourra apaiser le mal qui le ronge. Au cours de son périple, émaillé d’escarmouches avec des samouraïs mercenaires qui terrorisent la population, Ashitaka arrivera dans l’imposante Ville des Forges, véritable forteresse menée par Dame Eboshi, femme au rude caractère, décidée à détruire la forêt et les esprits qui y résident afin que les hommes puissent vivre en paix. La Ville est sous le coup de l’attaque du clan des loup, menée par une jeune fille, San (la fameuse Princesse Mononoké), élevée depuis son plus jeune âge par Moro, la louve géante de la forêt. San a juré la perte d’Eboshi pour protéger la forêt. Alors qu’à la suite d’une attaque, elle est blessée par les arquebuses humaines, Ashitaka quitte la ville pour venir à son aide, et chercher un moyen de réconcilier la forêt et les humains. C’est par cette quête qu’il cherchera à apaiser l’Esprit de la forêt, menacé lui-même par les chasseurs de l’Empereur, décidés à lui ramener la tête du Dieu-Cerf.
Pour ceux qui ont lu l’article consacré au Château dans le Ciel, autre film de Miyazaki, vous pouvez mesurer l’écart entre ces deux films. Princesse Mononoké est une grande aventure épique, sombre et complexe, qui met en jeu une profonde réflexion sur les rapports de l’homme et de son environnement, en mélangeant le monde du Japon médiéval à un imaginaire traditionnel japonais d’une complexité qui dépasse de très loin ma maigre connaissance de cette esthétique si particulière.
Même si c’est un dessin animé, la richesse foisonnante de Princesse Mononoké réside dans la dureté des thèmes abordés, dans tous les domaines : les affrontements sanglants (et particulièrement violents : on ne s’y attend pas forcément, mais oui, à la guerre, il y a du sang, des bras et des têtes qui tombent), les rapports sociaux (particulièrement criants dans la Ville des Forges, où les femmes font la loi, femmes recrutées par Dame Eboshi parmi les anciennes prostituées des grandes villes), la sauvagerie de la forêt, la cupidité des hommes et des contrebandiers.
Ce film est à mettre à part dans la production de Miyazaki par l’humour, toujours présent mais cette fois mis au second plan, pour privilégier toujours plus l’avancée dans l’histoire, particulièrement complexe, dans laquelle les retournements et les coups de théâtre sont légion. Là encore, pas de temps mort dans le film car les scènes d’action alternent avec des moments de suspension intenses et poétiques pendant lesquels l’attention du spectateur n’est nullement affaiblie, au contraire. Si la fable de Miyazaki dénonce une fois de plus les ravages de l’homme sur la nature, pas d’opposition manichéenne, mais deux camps qui s’affrontent, entre lesquels Ashikata seul, puis San avec lui, tente d’instaurer la paix, dans un renouvellement du schéma shakespearien des plus efficaces.
La claque visuelle est ici de tous les instants. Esthétiquement, c’est peut-être le chef-d’œuvre de Miyazaki, la beauté des animations et des décors est un émerveillement toujours renouvelé. La fin du film, dont je ne dévoilerai bien entendu rien du tout, est à ce niveau là un sommet du cinéma d’animation. Les classiques américains n’ont qu’à bien se tenir !
Que dire de plus ? Peut-être qu’il ne faut pas oublier, dans de tels films qui ne méritent que des éloges tant leur profondeur est rare, qu’il ne faut pas oublier que Princesse Mononoké est peut-être d’abord un vrai bonheur de divertissement, un film d’aventure qui laisse sur place un nombre incalculables de mauvais films non-animés, pour lequel il n’y a plus qu’à se laisser aller pour 2h15 de grand plaisir.
Princesse Mononoké (de Hayao Miyazaki)
Note : 17/20
A ce niveau-là, la note ne veut plus dire grand chose. Si, à titre personnel, j’ai préféré Le Château dans le ciel, n’hésitez pas à vous précipiter sur Princesse Mononoké, chef-d’œuvre du cinéma d’animation.
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